Historia Universitatis Iassiensis 6, 9–56
Abstract. Parmi les démarches diplomatiques de la conférence de Sainte Alliance de l’Aix-la-Chapelle (1818), un opuscule sur les universités allemandes signé par un jeune secrétaire attaché à la délégation impériale russe, Alexandre Stourdza, fait une figure appart, aussi bien énigmatique, que provocateur. Pur produit de la pensée impériale d’Alexandre Ier, le Mémoire sur l’état actuel de l’Allemagne devient toute de suite l’objet d’une énorme dispute publique. Il s’agissait d’une véritable commotion: journaux, universitaires, intellectuels de toutes sortes, étudiants, diplomates et politiciens débats ses propos. Mais, de quoi l’université est-elle un problème pour l’ordre de la Sainte Alliance et particulièrement pour la Russie? Qui est Alexandre Stourdza, ce moldave de culture grecque et française au service de l’Empereur, finalement auteur malheureux et bouc émissaire? Quelle est sa vision de l’université? Replacer cette polémique dans son contexte génératif et reconstituer ces lignes de force, les sources politiques et intellectuelles, les enjeux et la réception, intellectuelle ou politique, sont les premiers objectifs de ce travail. En même temps, dégager de cette mixture d’opinions, démarches politiques et gestes publiques une réflexion sur l’université doit être son principal but. Intégrer ensuite ces approches dans l’histoire de l’université s’impose tant un objectif légitime qu’un moyen de compréhension historique.
Le scandale autour du Mémoire a permis de distinguer au moins quelques aspects principaux. Premièrement, c’est la fusion entre les intérêts politiques et l’argumentaire à caractère culturel. De ce point de vue, il faut remarquer d’abord le poids des idées et des discours dans les rapports politiques internationaux. La Russie particulièrement, la plus significative puissance militaire continentale, semble être très sensible aux moyens relèvent de la politique culturelle: la critique culturelle et l’affirmation soit-il implicitement d’une supériorité culturelle par rapport à l’Occident, l’éducation des élites, l’orientation idéologiques de la jeunesse et de l’opinion publique etc. C’est donc le contexte auquel l’université devient part d’un argumentaire culturaliste. En même temps, cette polémique a subrepticement mis en évidence une réflexion sur l’université et son place dans la société allemande. De ce point de vue, il s’agit d’une confrontation entre deux conceptions de l’état que sur l’université, respectivement, sur les libertés politiques qu’universitaires. Toutefois, une discussion sur la nature et les fins de l’université resurgissent presque inévitablement. Pour Sturdza, l’université doit-être une simple école supérieure orientée vers la préparation de cadres, des fidèles servants de l’état, possèdent un sens de l’hiérarchie, de la tradition et du respect de l’ordre en place. Pour cela, il projette une université intégrée dans un système plus stricte, avec des cours obligatoires, différentes pour allemands et étrangers, avec des règles de conduites bien précises pour les étudiants, sous la surveillance et le strict control de la part des autorités. Il faudra même fonder un institut national à but tutélaire pour les universités allemandes. Les formes des autonomies académiques (la police académique, le droit de recrutement des professeurs par ses pairs, la liberté de cours etc.) doit être sévèrement réduites.
Les contradicteurs de Stourdza réfutent d’abord cette image prescriptive de l’université en tant qu’une école de cadres. L’université est donc un espace de la libre formation intellectuelle, en dehors toute contraints extérieures concernant le contenu des études, les choix intellectuelles, les pratiques formatives etc. Mais, la plus part hésitent d’être trop précis probablement par des raisons tactiques. Pour cela, en se penchant plutôt sur la défense de l’Allemagne, leur réflexion sur l’université est paradoxalement moins élaboré que celui de Sturdza. Pourtant, par leurs réactions, ouvertement ou par interposés, en coulisses ou dans les journaux, contre le Mémoire, cette querelle annonce l’irruption en tant que figures publiques des universitaires. Il est vrai, leur regard est orienté plutôt vers la défense de l’Allemagne et toute secondairement sur l’université. Mais, leur politisation, accompagnée par celle plus visible des étudiants, reste comme un fait remarquable.